Les biais cognitifs sont présents dans de nombreuses situations et bien sûr dans la Vente. Dans ce nouvel article, je vous propose d'explorer 5 biais impliqués notamment lors du premier contact avec un prospect et la phase découverte.
Pour traiter l’information et prendre des décisions, notre cerveau a cette tendance naturelle et automatique à fonctionner par approximation et raccourcis. Ce mode de fonctionnement, est très utile mais peut également entrainer des erreurs de jugement et empêcher de prendre une décision rationnelle : dans ce cas on parlera de biais cognitifs.
Pourquoi comprendre les biais cognitifs aide à développer les ventes ?
1 - Identifier ce qui œuvre « à l’insu de notre plein gré » dans notre cerveau de vendeur et éviter de tomber dans certains pièges. Nous ne pouvons pas enlever nos biais mais nous pouvons prendre de la distance pour mieux les dépasser.
2 - Respecter ce fonctionnement naturel du cerveau pour persuader plus facilement, en douceur, le prospect. Comprendre le fonctionnement des biais cognitifs et savoir les utiliser à votre avantage vous permet de maximiser vos ventes.
Lire aussi : Comprendre les biais cognitifs pour mieux vendre
1er contact prospect, 2 biais cognitifs à connaitre
Nous savons qu’il ne faut pas juger une personne, et encore moins un client, sur son apparence. Pourtant, dès les premiers instants d’une nouvelle rencontre, notre cerveau se forge malgré tout un avis. Moralement, ce n’est pas bien, mais physiologiquement c’est comme ça. Vous y êtes confronté, et votre prospect aussi.
Voici 2 biais cognitifs qui peuvent s’additionner pour vous pourrir ou à l'inverse vous faire réussir le 1er contact client.
1 - Le biais de primauté
Le cerveau a une tendance naturelle à se focaliser sur la première information perçue et à mieux la retenir. Il considère que « la première impression est primordiale ». Ce biais a été mis en évidence au milieu des années 1940, par le psychologue Solomon Asch.
Lors d’un premier contact, l'impression générale que nous avons de quelqu'un est davantage influencée par cette première information perçue, qu'elle soit bonne ou mauvaise, que par les suivantes.
Ce phénomène rend plus difficile le changement d'avis sur une personne qui nous est apparue sympathique de prime abord, ou inversement de faire confiance à quelqu'un alors que notre première impression était négative. Que pensez-vous spontanément de cet homme en photo ?
Comment gérer ce biais dans la Vente ?
1 - Préparez soigneusement votre introduction avec la célèbre règle des 4 x 20 : 20 premières secondes, vos 20 premiers mots, 20 gestes, 20 cm du visage. Vérifiez votre posture, votre poignée de main : est-elle franche et chaleureuse ? autoritaire et écrasante (Cf. Donald Trump et Emmanuel Macron) ? ou version poisson mort (molle et moite) ?
2 - Méfiez-vous de votre propre biais de primauté. Dépassez-le en cherchant des informations qui confirment rationnellement votre première impression mais aussi des informations contradictoires.
2 - L'effet de halo
À partir de ce que nous savons ou percevons d'une personne, nous concluons à d'autres qualités la concernant. Notre cerveau extrapole sur la personne dans son ensemble.
Schématiquement, la personne fait le lien : ce qui est beau est bon (et inversement). Dans la nature, dans la plupart des cas, c’est vrai. Le problème vient du « dans la plupart des cas » : la majorité des fruits sont colorés (appétissants) et bons, mais certains sont colorés et toxiques. Il en va de même dans les relations humaines…
Si la première impression sur une personne est favorable, nous allons ensuite interpréter favorablement ce que cette personne dit ou fait. Nous pouvons percevoir une personne comme enjouée car elle porte des vêtements colorés ou intelligente parce qu’elle porte des lunettes. Notez que l’effet de halo marche également sur une perception négative : un client perçu comme difficile parce qu’il porte des couleurs sombres. Et puis pouvez-vous imaginer qu’Hitler était végétarien ou Staline un papa poule ?
L’effet de halo est une interprétation et une perception sélective d'informations allant dans le sens d'une première impression. Ainsi, il renforce le biais de primauté (avouez que c’est pernicieux quand même !).
Vous pensez êtes à l’abri de ce biais car c’est "cliché", grossier et vous savez bien que « l’habit ne fait pas le moine ». Et pourtant nous tombons tous dans le panneau.
Là encore c’est Solomon Asch qui l’a démontré en 1946, mais depuis, il y a eu plusieurs études, notamment sur l’effet Placebo d’une blouse blanche de médecin. Et puis de nombreuses arnaques ont été montées sur cet effet de halo. Vous pouvez en voir un bel exemple dans le film « Arrête-moi si tu peux », avec Léonardo Di Caprio et Tom Hanks. Le film s'inspire de la vie de Frank Abagnale Jr qui a escroqué des millions de dollars en usurpant plusieurs identités : tels que pilote d'avion, médecin et avocat (la magie, le halo de l’uniforme !).
Comment gérer ce biais dans la Vente ?
1 - Pourquoi être introduit sur recommandation, ou les avis clients fonctionnent si bien d’après vous ? Vous bénéficiez de l’effet de halo de votre prescripteur,
2 - Attention à l’image que vous renvoyez, travaillez votre halo,
3 - Méfiez-vous de vos premières impressions, vérifiez et nuancez.
La première impression est la bonne, surtout quand elle est mauvaise". Henri Jeanson
Découverte client : 3 biais impactant l'écoute active
La découverte client est l’étape cruciale de la Vente. La découverte doit nous permettre de comprendre le client pour avoir en notre possession les bons éléments pour argumenter, anticiper ou lever les objections, négocier et finalement remporter la Vente.
Il est donc primordial d’identifier 3 biais cognitifs majeurs présents lors de cette phase découverte. Ce sont des filtres qui peuvent nous empêcher d’être véritablement curieux et sans préjugés.
3 - Le biais de projection
Nous avons naturellement tendance à supposer que la plupart des gens pensent comme nous. Ce biais renforce les croyances d’un groupe par exemple. Le biais de projection entraine le fait de juger positivement les individus avec qui nous avons un point en commun. Ce client à fait la même école que moi, ou nos enfants vont dans la même école donc c’est quelqu’un de bien (comme moi !).
Comment gérer ce biais dans la Vente ?
1 - Recherchez des points communs avec votre prospect afin de bénéficier de son biais de projection,
2 - Surveillez votre propre biais de projection : ce n'est pas parce que vous avez des points communs que vous vous êtes forcément compris (biais faux consensus),
4 - Le biais de disponibilité
Nous privilégions les informations immédiatement disponibles en mémoire, c’est-à-dire, les plus récentes, les plus chargées d'émotions, les plus spectaculaires, les plus automatisées. Par conséquent, nous avons du mal à intégrer de nouvelles informations, à modifier nos habitudes. Ainsi, il y a quelques semaines le plan de circulation de mon quartier a changé et j’ai pris 3 fois le sens interdit au coin de ma rue avant d’assimiler l’information.
Comment gérer ce biais dans la Vente ?
1 - Préparez-vous mentalement à chaque rencontre prospect pour adopter une posture de découverte : chaque client est unique. Déconnectez-vous de vos expériences passées, sinon vous risquez d'interpréter ses paroles et comportements en fonction de votre base de données interne,
2 - Régulièrement, défiez vos routines et automatismes
3 - Rebondissez sur les informations disponibles en mémoire pour votre prospect : ses données personnelles, ses automatismes, répétez une information évoquée ensemble auparavant.
5 - Le biais d'attention
Nous portons davantage d’attention aux choses qui nous intéressent. Par exemple, si vous envisagez de passer à la voiture électrique, vous allez remarquer davantage ce type de voiture.
Comment gérer ce biais dans la Vente ?
1 - Repérez les enjeux de votre interlocuteur, pour détecter comment vous allez pouvoir maintenir son attention,
2 - Détachez-vous de votre objectif final, c’est-à-dire remporter la Vente afin d'être véritablement attentif et à l’écoute de votre prospect. La réussite de la vente est une conséquence ou la finalité mais lors de la phase découverte, ce n’est pas l’objectif,
3 - Fixez-vous un objectif directement lié à la découverte client pour engager votre cerveau activement dans la recherche d’indices.
Découvrir, c’est bien souvent dévoiler quelque chose qui a toujours été là, mais que l’habitude cachait à nos regards ». Arthur Koestler
Pour conclure cet article, une précision importante. Lorsque j’aborde cette thématique en formation et ateliers, j’ai souvent cette question de la part des participants : oui, mais du coup on manipule le client non ? A laquelle je réponds invariablement par une autre question : quelle différence faites-vous entre influence et manipulation ? En réalité, la frontière entre les 2 est ténue, il s'agit de l’intention.
Avec l’influence, l’intention est la recherche de construction, de solution, de compromis. Ainsi, l’influence est dans la persuasion, sans rapport de force (et sans mensonge). Le vendeur oriente le client, l’ouvre à de nouvelles possibilités vers une solution bonne pour chacun. Le rapport est gagnant-gagnant.
Avec la manipulation, l’intention est ego-centrée, "moi vouloir gagner". Le manipulateur est prêt à utiliser toutes les techniques pour parvenir à ses fins, c'est à dire amener le client vers une solution uniquement bonne pour lui-même. Le rapport est 1 gagnant-1 perdant (le client).
Avec ces 5 biais, vous avez déjà là un terrain de jeu intéressant à explorer... Et savoir identifier et utiliser ces biais est essentiel pour perfectionner vos techniques de vente. Mais vous me direz, oui et après ? Quels sont les biais présents lors de la phase d'argumentation ? Et bien ce sera l’occasion d’un nouvel article pour creuser d'autres leviers de neurovente...
D'autres articles sur les biais cognitifs et la Vente
Comprendre les biais cognitifs pour mieux vendre
Vous pensez qu’une décision d’achat est rationnelle, surtout en BtoB ? Erreur ! Vous savez que les émotions ont un impact sur les décisions ? Mieux mais incomplet…
10 biais cognitifs pour argumenter avec impact - 3/4
Si l'acte d'achat était à 100 % rationnel, la Vente serait simple et nous pourrions même la confier à une intelligence artificielle.
3 biais cognitifs à connaitre pour mieux négocier
"Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras" Notre cerveau, a cette tendance naturelle à fonctionner par approximation et raccourcis : les heuristiques. Très utile au quotidien, ce mécanisme entraine freins et blocages en négociation commerciale. Mieux connaitre les connaitre c'est savoir mieux les déverrouiller.